Les microagressions ou microinégalités

Les microagressions prennent souvent la forme d’interventions brèves et en apparence banales. Ces interventions, qu’elles soient ou non intentionnelles, constituent un affront ou une insulte envers une personne ou un groupe visé.

Cette section est adaptée d’un dossier produit par le bureau des Student Health Services de la New School For Social Research. (Lien)

Les microagressions sont le résultat de jeux de pouvoir et de privilège d’un groupe dominant sur un groupe « subordonné » ou non-dominant.

Ces interventions, qu’elles soient ou non intentionnelles, constituent un affront ou une insulte envers une personne ou un groupe visé. La plupart des comportements désignés par le terme « microagressions » s’inscrivent dans un cadre plus large d’oppression, qui est en lien avec la racialisation, le genre, les capacités, le statut d’immigrant-e, l’orientation sexuelle, la culture, la religion, et encore d’autres catégories identitaires. Les microagressions sont le résultat de jeux de pouvoir et de privilège d’un groupe dominant sur un groupe « subordonné » ou non-dominant.

 

Il ne faut pas perdre de vue que les microagressions ne sont pas « micro » dans leurs effets

On peut être critique du terme « microagression » car le préfixe « micro » suggère que ces gestes qu’on qualifie de microagressions « ne représentent pas grand chose », alors qu’on sait bien par ailleurs qu’il y a tout lieu d’affirmer que ces agressions n’ont rien de micro, au contraire même elles peuvent être « macro », dans leurs effets lorsque des gens font l’expérience continuelle et répétitive de ces agressions qui « ne représentent pas grand chose ». Le terme est employé ici, car il correspond à la définition donnée dans la littérature académique, mais nous sommes ouvert-es à une nomenclature révisée.

Il ne faut pas perdre de vue que les microagressions ne sont pas « micro » dans leurs effets : elles sont puissantes et insidieuses et ont le même potentiel de dommage que l’agression explicite. Des microagressions peuvent causer des souffrances par des actions (incluant la parole) qui ne sont ni intentionnellement hostiles, ni ouvertement menaçantes.

Nous devons d'abord reconnaitre que de telles agressions ont lieu

Nous avons le devoir, en tant que communauté universitaire ayant à cœur la circulation du savoir dans un cadre sécuritaire, de nous pencher sur ces effets délétères pour en minimiser les effets, autant que faire se peut. Pour ce faire, nous devons d’abord reconnaître que de telles agressions ont lieu sur notre lieu de travail et d’études, et ce afin de nous concentrer sur la diminution d’instances de ce genre d’expériences douloureuses.

Exemples

  • Présumer de l’infériorité d’une personne sur la base de son appartenance à tel ou tel groupe, et agir sur la base de cette présomption

    Par exemple, octroyer des contrats de recherche uniquement à des étudiants sur la base qu’ils sont plus doués pour la philosophie que les étudiantes.

  • Traiter une personne en citoyenne de seconde zone

  • Entretenir l’invisibilité d’une personne en ne lui donnant jamais la parole

  • Être insensible aux différences culturelles

  • Nier la réalité du vécu d’une personne, minimiser son ressenti vis-à-vis une expérience.

  • Nier ses propres biais

  • Faire du profilage

  • Faire de la mecsplication (mansplaining)

  • Tourner en dérision, au moyen de l’humour, l’expression d’un malaise

  • Tenir une réunion sur la justice sociale dans un endroit non-accessible aux fauteuils roulants

  • Objectifier une personne

    En la regardant de haut en bas ou en regardant d’autres parties de son corps que son visage, par exemple

Parmi les facteurs pouvant causer des microagressions sur le campus universitaire:

  • Des cours qui n’offrent que des perspectives de groupes dominants (Occidentaux, Européens, Caucasiens, Hommes)

  • Des professeur-es et des étudiant-es qui se trompe de pronom lié au genre

    Par exemple, un-e professeur-e désigne un-e étudiant-e par « elle » quand il s’agit d’un homme.

  • Des cours qui exigent l’achat de livres et de recueils excessivement dispendieux sans que ne soient rendues disponibles plusieurs copies à la bibliothèque pour ceux et celles qui n’en n’ont pas les moyens

  • Un-e étudiant-e ou un-e professeur-e qui fait la police du ton (tone policing)

    Ex. :  À une personne qui dénonce une microagression : «Tu es à fleur de peau » ou « Tu es frustré-e, il n’y a pas moyen d’avoir une discussion avec toi ».

  • Une université qui n’offre que des toilettes genrées où certain-es étudiant-es ne se sentent pas en sécurité

  • Des sièges de classe qui sont trop étroits pour plusieurs personnes

  • La majorité des professeur-es et employé-es de l’université en poste de pouvoir qui n’est pas représentative d’un ensemble diversifié d’identités

    (p. ex.,  ils sont pour la plupart des hommes, hétérosexuels, blancs, cisgenres, neurotypiques, etc.)

Autres exemples :

« Tu es très jolie pour une femme noire. »

« Pourquoi est-il si gros/maigre ? »

« Les toilettes neutres, c’est vraiment stupide. »

« Tu lances bien pour une femme ! »

« Tu ne devrais pas être énervée par cette situation, ça n’en vaut pas la peine. »

« Ça devrait te faire plaisir que je te dise que tu es bonne en mathématique, comme tous les Asiatiques d’ailleurs. »

D’une personne blanche à une personne d’un autre groupe racisé : « Tu agis tellement comme les Blancs, on se ressemble ! »

Réagir aux microagressions dans le feu de l'action

Il peut être extrêmement difficile et délicat de répondre à une microagression : développer des réactions aisées dans une telle situation exige de la pratique ou, malheureusement, de l’habitude. De plus, il importe parfois d’adopter une stratégie particulière face à une agression particulière.

Ne rien faire, ne rien dire

Certaines personnes étant témoins de microagressions choisissent parfois de ne rien faire ou de ne rien dire, et ce pour plusieurs raisons. Par exemple, en plus de ne pas se sentir en sécurité d’intervenir ou de penser que cela aura des répercussions négatives sur elles aussi, ces personnes peuvent penser :

  • qu’il n’est pas de leur responsabilité d’agir.
  • qu’une personne qui « sait quoi faire » s’en chargera de manière plus efficace.
  • que l’agression se résoudra avec le temps, sans intervention.

Il est important de ne pas juger les raisons faisant en sorte que des personnes n’interviennent pas, même si cette inertie peut s’avérer frustrante pour les victimes.

Intervenir

Si on est à l’aise d’intervenir lorsqu’on est témoin ou victime d’une microagression, il est important de se préparer à y faire face de manière constructive. Il y a des manières d’être un-e témoin actif-ve (active bystander) et de contribuer à l’amélioration du climat au sein de l’université. Être un-e témoin outillé-e, c’est savoir créer un espace sécuritaire par un comportement engagé lorsqu’on assiste à des situations menaçantes à l’égard de certaines personnes et/ou de certains groupes.

Il n’y a pas de recette toute faite, mais voici quelques pistes :

Si l’on se sent à l’aise et qu’on juge que c’est approprié, on peut mettre en pratique les 3 étapes suivantes :

1

Nommer l’acte :

« Tu as dit/fait ______ ».

2

Énoncer un principe :
« Ceci n’est pas correct / me rend mal à l’aise, parce que _______ ».

3

Exiger une conduite :
« Ne dis plus cela en ma présence / ne m’écris plus en message privé ».

Plus largement…

  • Entreprendre une réflexion critique au sujet des propos généraux et continuels, dans les médias, la politique et le quotidien en ce qui concerne les races, la classe, les corps, la sexualité, les capacités, le genre, le sexe, la violence, etc., de manière à les remettre en question. S’informer soi-même, au moyen des multiples ressources disponibles sur les enjeux de domination dans la société dans laquelle nous évoluons et plus précisément en milieu universitaire.
  • Respecter le fait que certains groupes demandent un espace de discussion ou d’action qui leur soit exclusif. Ne pas respecter la tenue d’une réunion non-mixte (en la ridiculisant ou en s’y opposant explicitement), par exemple, est une position qui émane du privilège, soit d’occuper et de bénéficier d’une position sociale qui fait en sorte que l’on se sent en sécurité et validé partout à l’université.
  • Respecter l’espace (la bulle) physique d’une personne en tout temps.

Que faire si j'ai commis une microagression?

Pas de panique ! Même si l’action initiale est inacceptable, reconnaître ou admettre un comportement oppressif est une bonne chose (même si ce n’est pas habituel de le faire !). Reconnaître son tort sincèrement est une étape essentielle vers l’adoption de comportements non-oppressifs et vers un climat plus sain.

Voici quelques solutions pour contribuer à un meilleur climat lorsqu’on prend conscience qu’on est responsable de microagressions :

S’excuser est parfois complexe dans une situation envenimée  qui prend rapidement des proportions terribles. Envisager des excuses sincères, c’est d’abord et avant tout éviter la fausse ou non-excuse: ‘je m’excuse si tu as été blessé-e par ce que j’ai dit/fait’. Ce genre de fausse excuse consiste en fait à blâmer la victime plutôt que l’auteur-e de l’acte ou de la parole blessante. Il faut  reconnaitre et assumer pleinement que la remarque était blessante, etc.

Voici quelques trucs pour que les excuses sincères aient un effet durable

  • Offrir des excuses claires
  • Exprimer (explicitement !) du regret face à la situation
  • Reconnaître que des normes ou des attentes ont été violées
  • Faire preuve d’empathie et reconnaître les impacts de l’agression sur autrui
  • Expliquer ce que vous allez faire dans le futur pour éviter que cela ne se reproduise
  • Entreprendre une réflexion sur le privilège, l’oppression, les jeux de pouvoir, en se renseignant soi-même auprès des multiples ressources disponibles en ligne

Références

Keys to Constructing an Effective Apology sur PsychologyToday

 

Documents

Document sur les microaggressions produit par The New School